Un dimanche soir sur la plage, le ciel est noir parsemé d’étoiles scintillantes comme des guirlandes de fête. Les touristes sont repartis, la polaire est de rigueur, assis en tailleurs sur le sable, je regarde les vagues se dérouler devant moi, dans un fracas enivrant…

Je me shoote à l’air marin, empli mes poumons d’iode bienfaiteur ! Je suis à la proue de mes sentiments que je jette à l’eau, en vrac, avec mes réminiscences et tout ce qui me passe par la tête ! J’en lave certain, voudrais en noyer d’autre, et ne peux m’empêcher d’en garder bien au sec dans un petit coin de mon crâne. Mes yeux s’embuent de souvenir et de désir ; n’allez pas croire que je pleure ! C’est juste le frais noroît qui les mouille. N’allez pas non plus me penser malheureux, bien au contraire, solitaire, assis ici, alors que minuit approche, je peux me retrouver en tête à tête avec moi-même, pas besoin de tricher, de paraître, seul moi… Et moi… Tantôt, je me gronde, tantôt me console, je me sermonne et je me fais rire.

Que de chimère à jeter à l’eau, de celle qui se déguise en songe, se travestisse en espérance et vous pourrit l’existence, des fois pour des décennies, vous vous y accrochez comme à une évidence, alors qu’au fond de vous, vous savez pertinemment que du rêve à la réalité il y a un océan de faux-semblant, d’illusions et de leurres. Point besoin de rationalité pour croire en une vérité, même fausse, souvent… Trop souvent… Il suffit juste de se créer un espoir illusoire, mais tellement beau, croyance fantasmée d’une obligation pour une vie meilleure…

al mer

Je les regarde, ces chimères plus ou moins vieilles, partir au gré de l’eau, je ne veux plus les voir, si ce n’est en souvenir, pour rigoler de ma bêtise passée, m’enlever ces œillères qui m’empêchaient de lorgner autre part, de sentir le monde, l’amour autrement que dans les normes que je m’étais inventées ! Barrière que l’on s’imagine pour se rassurer… Croit-on…

Et puis, les vieux démons, ceux qui viennent d’ancienne blessure, ou pas… Il faut bien les faire disparaître, juste pour faire de la place aux nouveaux

La vie est grande ouverte devant soit, et des fois, si je pouvais ne plus être victime de cet onanisme intellectuel, de ce triturage des boyaux de la tête que j’aime bien m’imposer… Juste ne plus réfléchir, et me laisser aller…

Me revient alors en mémoire ces quelques vers :

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D’une femme inconnue et que j’aime, et qui m’aime

Et qui n’est chaque fois ni tout à fait la même

Ni tout à fait une autre et m’aime et me comprend

…/…

Était-elle brune blonde ou rousse ? Je l’ignore…

(Paul Verlaine)

Tiens, une étoile vient de déchirer le ciel… Et si je faisais un vœu ? Incorrigible que je suis ! Attention aux chimères, elles partent au fils de l’eau et reviennent à la faveur d’une étoile filante !

Je crois qu’il est temps de rentrer…