Ce soir j'ai le coeur gros, très gros... Oh pas à cause de nos branquignols au pied d'or, non, eux, au final, ils m'auront plutôt fait rire, tant la situation était grotesque... non, si ce soir je suis triste, c'est parce que je viens de perdre, dans l'indifférence générale des médias, un de mes héros d'adolescents... un de ceux qui m'ont fait rêver embrun et vague, tour du monde et 40e rugissant, peur et courage, bref en deux mots un de ces aventuriers de l'ancien temps,  qui partait courir les océans justes avec des cartes et des sextants... 

Son nom ne dira rien aux plus jeunes d'entre vous, dans les grands marins de l'époque, il ne reste guère que Tabarly et Kersauzon ancré dans la mémoire collective; peut être Alain Colas aussi... 

Et pourtant, je n'oublierais pas ce direct sur Europe 1, route du rhum 78, Kriter, long monocoque de 21 mètres se présente devant la ligne d'arrivé après 23 jours de mer, le vent est faible, la victoire semble acquise... Derrière, un petit point jaune grossi de plus en plus, un petit trimaran, bien plus à l'aise dans le petit temps. Il grossit de plus en plus, et finalement passe devant pour gagner la course avec 98 petites secondes d'avance! 

Mon héros venait de perdre, Michel Malinoski était la première victime de la terrible domination du multicoque qui allait s'en suivre! Mais il rentrait dans mon panthéon de héros marin, au coté de son vainqueur, Mike Birch, d'Éric Loizeau, Riguidel, poupon et tous les autres... 

Il résuma sa défaite ainsi : Seule la victoire est jolie! 

C'est surement de ce jour là aussi que grandit mon amour du monocoque. Je crois que j'en ai toujours un peu voulus à ces libellules de ce coup pendable à mon champion.

Ce soir j'apprends que Michel Malinoski est mort, et j'en suis sincèrement triste. Je ne doute pas que là-haut il va régater entre trois nuages, ou tenter la traversée de l'azur... Adieu Malinoski...

Télégramme de Brest

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