La nuit n’est jamais complète sans son tribut de sang, surtout les soirs de pleine lune. Il le savait trop bien et détestait ces soirées d’été où le jour pointait bien trop tôt à l’horizon.

Déjà 3 heures du matin, dans la chaleur moite de cette boîte de nuit. Il avait faim tandis qu’elle continuait à boire de tout son saoul. Il savait déjà qu’à son réveil il aurait mal à la tête.

Il ne supportait pas la mauvaise vodka, mais les temps sont durs et il n’avait plus le choix. Heureusement pour lui, il était beau gars, et ses tenues classieuses et étonnantes ne lui posaient aucun problème de séduction.

Il regardait la belle à moitié affalée sur le fauteuil. Elle lui dit quelque chose, qui se perdit dans le bruit de cette musique trop forte. Qu’il regrette le temps des Opéras et de ses loges discrètes… 

Ses yeux ne sont plus qu’alcool, encore une qui en temps normal, demain matin, se retrouverait dans le lit d’un gars en se demandant bien ce qu’elle fait là… Elle était à point, libre de toute résistance. Elle ne serait pas la mère de sa descendance, il désespérait de la trouver une nuit, et pourtant, derniers de sa race, ce serait bien…

En se disant cela, il pensa à la fin tragique de son père. Il faut qu’il fasse vite maintenant, dans une heure et demie le premier rayon de soleil va darder à l’horizon !

Il se leva et entraîna la jolie brune qui le suivi en titubant et se raccrocha à son cou comme elle put afin de maintenir un semblant de stabilité ! Il est certain que les talons aiguilles n’aidaient en rien l’exercice. Elle poussa un petit cri de reproche suivi d’un deuxième d’étonnement quand il la plaqua violemment contre le mur. D’instinct, leurs deux bouches se retrouvèrent dans un long et vigoureux baiser. Le corps de la femme, pressé contre le sien était chaud, bouillant. Un violent désir monta en lui ! Elle dut le sentir, se serra encore plus fort.

Il devait refréner ses ardeurs, il le savait, il n’avait plus le temps, il fallait faire ce pour quoi il était là, survivre tout simplement. Il décolla sa bouche de la sienne, et ses lèvres descendirent doucement le long du cou, jusqu’à sentir cet endroit précis qu’il mordit d’un coup sec, transperçant la peau pour atteindre la veine.

Elle n’eut même pas le temps de crier, juste cet air d’étonnement et de surprise que seule la caméra de surveillance avait vu, juste elle, d’abord se trémoussant comme si un homme l’enlaçait, puis ce visage qui petit à petit s’est éteint avant de s’affaler brusquement sur le sol et enfin cette petite marque sur le cou, et surtout ce corps vide de son sang.

Beaucoup de témoins avaient vu le beau jeune homme, habillé tout de noir, avec sa cape et son chapeau… et puis, celui-ci, qui l’avait croisé peut après le baiser mortel et lui avait demandé en rigolant, à la vu d’un peu de sang à la commissure des lèvres, s’il était Dracula ? « Non jeune homme, juste son arrière petit fils ! » qu’il m’a répondu Monsieur le commissaire. « Inspecteur, pas commissaire, je suis inspecteur… »

Vous y croyez, vous, aux vampires ? Demanda un journaliste par le sang alléché. 

Déjà, devant la boîte, arrivaient les cars régies et autre relais satellite. Les hélicoptères sillonnaient l’endroit à la recherche de… ben en fait il ne savait pas trop !

La venue imminente d’un ministre, voir même du président lui-même était annoncée.

Il faut dire que huit meurtres en quatre mois, cela commençait à faire beaucoup ; dont un à chaque pleine lune. On parlait déjà d’un projet de loi interdisant le port de déguisement de Dracula. Les bars select et autres boites de nuit accrochaient des crucifix à leurs entrées. Les bijoutiers proposaient pieux et balle d’argent et un grand parfumeur parlait déjà d’une fragrance à base d’ail.

Le préfet s’énervait se voyant déjà muté du côté de Saint-Pierre-et-Miquelon !

— Alors ? Éructa-t-il dans son téléphone, qu’elles sont les constatations ?

— Toujours les mêmes, un corps vidé de son sang, mais pas de trace de sang par terre, deux petites piqûres au niveau de la veine jugulaire, plein de témoins, mais pas un indice, pas une empreinte ni digitale, ni génétique. Une personne que tout le monde a vue, mais que les caméras n’ont pas filmée… Voilà Monsieur le préfet… du vent en quelque sorte.

— Et vous n’allez pas me raconter que c’est Dracula, comme les journaux ?

— Oh Non, Monsieur le préfet, pas Dracula, Monsieur le Préfet, juste son arrière petit fils…

Et il coupa la communication…



Il avait retrouvé son antre à temps, il était fatigué et allait pouvoir passer une bonne journée de sommeil. La tête lui tournait un peu, la faute à l’alcool contenu dans le sang… Il va falloir qu’il change de lieux de chasse, se disait-il, sinon il va finir alcoolique…

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Ce petit texte pour les impromptus de la semaine où il fallait commencer le texte par l’incipit d’un célèbre poème de Paul Eluard : “La nuit n’est jamais complète”.