Il devait être 6 heures du mat quand le téléphone a sonné. C’était Marcel, tout excité :

 

-Allo Jojo ? Ça y est, on décale, on décale tu as deux heures pour arriver aux ateliers et n’oublies pas ton sac !

Il me les brise avec ses décalages le père jojo, depuis qu’il est responsable des équipes de dépannage d’urgence de la région, il se prend pour un pompier ! Cela fait trois jours que l’on s’attend à ce coup-là, trois jours qu’ils l’annoncent cette tempête, alors c’est sûr !

 

Là où j’ai fait la connerie, c’est à l’atelier, on finissait de préparer le matos et les camions. Mille bornes à faire pour rejoindre les Landes, et une bonne semaine pour remettre d’équerre des kilomètres de ligne électrique. J’en étais là quand le big boss est arrivé…

 

Quand il m’a vu, il m’a demandé si c’était moi le petit nouveau, ben oui que j’ai répondus, j’ai que six mois de boîte, alors évidemment le jojo, c’est le petit jeunot du coin, ensuite il m’a demandé si je causais anglais, j’ai dit que je baragouinais, de quoi me faire comprendre, pour finir il m’a demandé si mon passeport était à jour. J’aurais mieux fait de fermer ma gueule ! Mais j’ai dit oui… je sais je suis un con !

 

Après je n’ai pas tous compris, il m’a parlé d’une histoire de coopération avec un bled du côté du Tibet ; d’un Robert que tout le monde avait l’air de connaître et qui avait eu un petit incident de travail, bref un remplacement de quelques semaines, l’occasion de voir du pays, et surtout une belle prime, et puis franchement c’est plus sympa que d’en chier dans les ravages d’une tempête. Là-bas c’est cool qu’il m’a dit, juste on remet l’installation aux normes… Ouais, la norme qu’il a dit, tiens, tu parles… Pas fou le patron, il avait déjà mon billet en poches, allez ouste, un tacos, aéroport et hop, je n’ai rien eu le temps de comprendre que déjà je me retrouvais après deux changements d’avion, dans un bled à trois mille mètres d’altitudes, que j’ai mal à la tête, des difficultés à respirer et qu’a priori, ma valise est perdue corps et bien…

 

Et là je commence à réaliser ! C’est vrai que les gens sont gentils, ils m’ont prêté de quoi m’habiller, ce n’est pas ce que j’aurais acheté a priori, mais ici c’est très mode, et de toute façon il n’y a que cela. J’ai hérité du couteau suisse de Robert, avec l’essentiel : ciseau, tournevis plat et cruciforme, je devrais m’en tirer. Et pas d’échelle, heu, ou plutôt plus d’échelle, c’était cela le PETIT INCIDENT de Robert… Allez au boulot… Je me demande quand même si je ne me suis pas fait avoir ?

Tiens, au fait, c’est quoi, les normes ici ? 

Moine - © crédit photo : Yannick Arnoud
© crédit photo : Yannick Arnoud


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Voila mon petit texte dans le cadre des impromptus de cette semaine. Il s'agissait de s'inspirer de cette photo en incluant dans son texte le mot "décalage"…