vendredi, 12 juin 2009

J'ai viré de bord...

De l’encre de ma plume sergent-major traçant sur le précieux vélin des mots rares et précieux, j’ai ainsi commencé ma carrière. J’ai jeté ma gourme dès ma première goualante au succès, certes restreint, néanmoins bienfaisante. Depuis, si l’outil a changé, l’amour des lettres ne m’a point quitté. Je n’ai eu de cesse alors de m’ébaudir à chaque nouvel ouvrage portant mon patronyme, trônant victorieusement dans la vitrine des librairies ; à chaque nouvelle chanson moult fois entendue sur nos transistors. Derechef il fallait que je me remette au travail. Les mots étaient ma vie et ma vie venant des mots !
Si certains ploient sous le faix de la notoriété, cela n’était nullement mon cas. Dès lors que je fus un peu connu, à moi gourgandines et autres catins. Il parait que j’étais habile au déduit. Une ou deux carabistouilles, quelques calembredaines, et hop c’était dans la poche.

Certes je ne pus non plus éviter les malandrins qui débagoulent sur votre compte dès lors que vous êtes en haut de l’affiche, ni les fâcheux adeptes de cagoterie qui ne vous lâchent pas d’une semelle. Et si le soir à la brune je voulais me rendre dans un quelconque lupanar, ils avaient toujours mille et une adresses à me proposer.

C’est d’ailleurs au cours d’une de ces bacchanales, ou seule ma célébrité servait de sésame, au milieu du stupre et pas loin de la fornication, que j’ai viré de bord.
Comme souvent dans ce genre de lieu, on y retrouvait tout le microcosme dont l’on dit faire la pluie et le beau temps sur le monde culturel comme politique. Il faudrait le dire sans barguigner, tout cela n’est que faux-semblant. Drogue, sexe et alcool aidant, tout un chacun, attifé de ses meilleurs atours, babille de-ci de-là, pour montrer son importance. Personne n’est dupe, mais c’est ainsi. On y retrouve même, assez curieusement, quelques argousins qui en oublient leur devoir au nom de leurs promotions, côtoyant de vieilles radeuses sans succès. Pourtant, que de beau gibier pourrait remplir leur gibecière ! Et tout ce joli monde potine allègrement avant de se séparer dès potron-minet. Il faudrait être Jocrisse ou encore jouvenceau pour n’y voir rien que de naturel dans ces agapes.
Or, disais-je donc, alors que je venais de quitter un critique redouté et redoutable, venant de louer la qualité de mes mots sortis d’un écrin de naphtaline dans lequel les grimauds, à l’en croire, les avaient abandonnés, et qui s’excusait par avance de m’éreinter dans son prochain papier; un grand faquin vint m’apostropher :
« Je kif trop ton dernier bouquin, il déchire sa mère, mais je n’ai pas tout entravé à ce que c’est qu’il dit »
C’était Frenchkiss le dernier auteur à la mode, lauréat du dernier Goncourt avec « Ta mère à oualpé au supermarché ».
C’est alors que j’ai compris qu’il me fallait suivre les vents nouveaux, changer de cap, virer de bord.
Demain sort mon dernier bouquin, mon éditeur envisage déjà le Renaudau, son titre :
« z’y va le keuf, t’es trop relou ».
Alors si tu traînes dans le coin, no problem, je te le dédicace, mdr, trop l.o.l


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Voici ma petite participation aux impromptus de cette semaine, sur le thème: "J'ai viré de bord"
Et si il y a des mots que vous ne comprenez pas, ne trouvez plus dans votre dictionnaire, changez-en ou acheter "100 mots à sauver" de Bernard Pivot ;-)