Ce billet date de décembre 2010. Pour être honnête, je n’en suis pas fan. Plusieurs fois que j’essaye d’écrire sur ce sujet délicat que sont les complexes, l’image de soi, ce que l’on veut renvoyer et ce que l’on renvoie effectivement. En tant que photographe, de voleur d’âme, je suis souvent confronté à ce genre de réaction. 

S’il est facile de prendre le refus de photo pour du chichi de diva, souvent cela cache des blessures bien plus profondes. Et si je le traite sous le mode de la dérision, c’est pour mieux cacher la difficulté que j’ai à appréhender ce sujet difficile…

—————————————————————————————————

Une soirée entre amis, je ne sais plus pourquoi, mais j’ai sorti l’appareil photo, celui que j’ai toujours avec moi. 

Si en fait, je sais pourquoi, parce que je sors souvent mon appareil photo… Pour faire des photos en général !

 Des bonnes, des mauvaises, justes des souvenirs ou tenter de faire de l’art avec du cochon !

Tout le monde rigolait, le vin avait coulé à flot, je vise et… 

Comme un réflexe d’autodéfense, Patricia a mis la main devant son visage en criant non, pas de photo… 

Le genre de réaction qui me laisse souvent perplexe. 

Il faut que je vous explique, Patricia est une jeune fille fort charmante, un visage fin sur des yeux verts et des cheveux blonds, des proportions parfaites, ou pas loin, avec juste ce qu’il faut, là où il faut. 

Bref, une belle femme, ce n’est pas son copain qui me démentirait.

J’ai remarqué que souvent, ce sont les femmes les plus belles qui ne veulent pas être prises en photo, celle qui devrait avoir le moins de complexes qui en ont le plus ! Comme s’il était plus difficile de s’assumer en taille mannequin qu’en petite grosse…

S’ensuit donc une discussion passionnée où la Patricia nous expliques que son nez, elle ne l’aime pas, d’ailleurs elle voudrait bien se faire enlever la petite bosse — que personne ne vois — là, sur le haut. Et puis elle à un bouton sur le front, et puis elle ne sort pas de chez le coiffeur, et franchement elle est moche. D’ailleurs c’est pareil, sa poitrine, il faut qu’elle se la fasse refaire parce que franchement son 95B c’est un peu petit ! Bon, là on voit mal, mais sans soutif je te jure… Et puis elle n’est pas maquillée, et…

Arrivé à ce point, inutile de s’insurger, les amis n’y pourront rien, seul un psy pourrait y retrouver ses petits. 

S’aimer soit même est un art finalement assez difficile.

Et puis Patricia me regarde soudain de ses yeux si verts et conclus par un : « que veux-tu, on a tous nos petits complexes, je suis certaine que tu en as aussi ! C’est quoi les tiens ? »

Il m’a fallu un temps de réflexion, non par peur d’avouer une chose honteuse, juste parce que je ne trouvais pas de réponse à la question. 

Des complexes j’en ai eu petit, mais maintenant, le seul que je dois me trimballer n’ai pas d’ordre physique, mais plutôt juste psy. Une sorte de complexe d’infériorité dû à un grand manque de confiance en moi. Une timidité exacerbée. Cette impression que les autres font mieux, savent mieux…

Bref en tout cas pas un truc qui m’empêcherait d’être pris en photo, bien au contraire…

Physiquement, mes complexes ont disparu. Juste mon nez que je n’aime pas trop de profil, mais pour être honnête je m’en moque royalement. Des fois je me fais juste la réflexion en regardant une photo.

J’expliquais donc à Patricia, qu’à moins que de remonter à mon enfance, physiquement je ne me voyais pas de complexe.

Gamin, oui ! Il y avait d’abord ma taille ! 

Ceux qui me connaissent pour de vrai vont rigoler, mais j’étais tout petit, bien loin de mon mètre quatre-vingt-un d’aujourd’hui, et jusqu’à l’âge de 10 ans, dans les cours de récré, l’on m’appelait « rase bitume » ; ce qui avait le don de m’agacer !

Heureusement, pour mon plus grand bonheur (et au grand dam de ma mère qui n’arrivait plus à suivre les ourlets de mes pantalons), pré-ado, je me mis à grandir vite et fort, et à mon tour je pus me moquer de quelques grands devenus petits !

Par contre, cela n’arrangea pas mon second complexe ! Mon poids ! 

Tsss on arrête de se moquer au fond de la salle, je n’ai jamais dit que je me trouvais trop gros ! Bien au contraire ! Reprenez des photos de moi gamin, je suis d’une maigreur à faire peur ! 

D’ailleurs cela faisait peur puisque plusieurs fois, de la part de médecin scolaire j’ai eu le droit à des interrogatoires serrés pour savoir si des fois mes parents n’oubliaient pas de me nourrir correctement ! 

On n’est pas passé loin du signalement aux services sociaux.

Parce que maigre, oui, mais dans le même temps, je mangeais pour quatre. Comme on disait alors, il valait mieux m’avoir en photo qu’à table et je mettais sérieusement en périls le budget familial !

De l’âge de 16 ans où j’ai atteint ma taille actuelle jusqu’à environs 35 ans, je faisais donc entre 60 et 65 kg pour 1m81, ce qui n’était pas beaucoup. L’âge aidant, je me suis stabilisé autour de 68 vers la quarantaine. Il a fallu que j’arrête de fumer il y a 3 ans, pour me prendre 10 kg dans la tronche. Pour le coup, cela m’a fait drôle et finalement, mon nouveau poids de forme, autour de 75 me convient bien.

Ceci dit, cela faisait longtemps que mon poids ne me posait plus problème, dans ce sens, on en fait facilement abstraction, et socialement cela passe bien. Et puis rapidement je suis parti du principe que j’étais comme j’étais et que j’emmerdais les esprits chagrins !

En fait le problème de la photo, c’est quand on donne plus d’importance à l’image que l’on pense renvoyer qu’à celle que l’on renvoie effectivement. Vouloir contrôler cette image à tout prix, ne renvoyer que du positif. Finalement, ne pas s’accepter comme l’on est et surtout comme l’on était quelques années avant.

C’est donc, dépité que j’ai dit à Patricia, désolé je ne vois pas, je ne me trouve pas de sale complexe physique… 

Pendant ce temps, mes camarades de tablée c’était mis aussi à causer et expliquer leur différent complexe, du coup je m’en suis fait un ! 

Je suis complexé de ne plus en avoir !