Je rebondis sur un billet de Leelooléne, qui nous parle de sa passion du thé, et du rituel qui, bien souvent, entoure sa fabrication et quelques fois sa dégustation. Je me rappelle de ma famille anglaise, dont l'armoire regorgeait de dizaine de théières, chacune dédiée à un thé particulier. Le mari m'expliquant, car c'est à lui que revenait la sacro-sainte préparation du thé, les quelques règles du parfait gentleman anglais en matière de thé ! D'abord, une théière ne se lavait jamais, juste un rinçage à l'eau clair, sans frotter ! Ensuite, jamais l'eau bouillir tu laisseras -sacrilège suprême-, mais tu guetteras l'ébullition et coupera au premier frémissement ; autant vous dire que la bouilloire électrique doit être au rang d'instrument du diable !

 Le fait est que son thé était tout simplement succulent. Mais pas autant, que le thé des Touaregs, le thé du désert, le, je devrais dire les 3 thés !

Là aussi, il s'agit de tradition et de rituel. Une tradition d'ailleurs pas si vieille, puisqu'elle date de la fin du XIXe siècle, certainement un dégât collatéral de la colonisation occidentale. L'Afrique n'est pas franchement réputée pour sa production de thé, soyons sérieux. Le thé utilisé est un thé vert de chine, les puristes vous diront que c'est du « 8147 ». Du thé simple sans fioriture. 

Contrairement aussi à une idée reçue, la menthe ne fait que rarement parties du thé touareg, c'est un signe de luxe, et la menthe fraîche dans le désert n'est pas la chose la plus fréquente ! Le thé à la menthe était le thé des notables, réservé aux villes et au sédentaire. De même, si dans les villes, comme j'ai pu le voir au Maroc par exemple, le thé est rincé (on jette la première infusion), cela ne se fait pas dans le désert ; l'eau est trop rare. Voilà pourquoi le vrai thé du désert est plus fort et acre que dans les villes.

Si un jour vous allez là-bas, et sauf dans un cas purement touristique, sachez que refuser un thé est hautement impoli. Plus qu'une tradition, chez les Touaregs, les vrais, le thé est une institution. Il remplace nos dîners d'affaires, c'est le coup que l'on boit avec des potes pour prendre des nouvelles, c'est l'acte de politesses pour vous dire bienvenues. En Mauritanie, les hommes du désert ont souvent leur petite boite en bois, avec dedans une théière, du thé, 3 ou 4 verres, et un petit réchaud à alcool. Un poste de contrôle sur la route, et pendant que le guide palabre avec les fonctionnaires les chauffeurs font leur thé. Souvent d'autres policiers les rejoignent, le temps dans le désert n'ayant pas la même durée que par chez nous, l'on ne repart que les trois thés bus…

Vous l'aurez compris, dans le désert, l'on ne rigole pas avec le thé. Et je ne vous parle même pas du bonheur de cette boisson, quand vous arrivez enfin au campement, après une vingtaine de kilomètres dans les dunes ou dans la rocaille. À pied les kilomètres bien sûr. Mettre un moteur dans ces endroits en dehors des besoins des populations locales n'est que pure hérésie à mes yeux !

Pourquoi trois thés vous dites-vous ? Simplement parce que le thé seul n'existe pas ici, forcément ce sont trois verres, mais du thé fait avec la même mouture, et l'on prend son temps, le temps à chaque fois que l'eau réchauffe, le temps de discuter, de se connaitre…

L'ont dit là-bas que le premier thé est amer comme la vie, le deuxième fort comme l'amour et le troisième doux comme la mort.

Je te vois venir, tu veux la recette, c'est cela ?

 C'est fou ce que l'internaute est exigeant de nos jours ! 

Alors, on va faire un deal, tu n'oublies pas de voter pour le chic (voir 2 ou 3 billets plus bas) et moi je te donne le secret que je tiens d'Ahmed (oui, là-bas, tous les guides, ou presque, s'appellent Ahmed !). 

Donc, il te faut du thé vert de chine « 8147 », de l'eau et si possible une théière local (cad un truc en métal émaillé de couleur rouge ou bleu en général) et un lit de braises. Ben oui, un vrai thé du désert se fait sur un lit de braises. Bon, tu vas me dire que ce n’est pas pratique dans un appart, mais si tu en veux un vrai...

Donc tu mets ta théière pleine d'eau sur le lit de braises et tu rajoutes une bonne poignée de thé vert. Tu laisses aller jusqu'à ébullition, et quand le thé commence à déborder, tu retires du feu et laisse redescendre les feuilles au fond de la théière. Tu rajoutes dedans l'équivalent de 7 morceaux de sucre.

 Arrive le moment adoré des touristes. Tu verses le thé dans un verre, du plus haut que ta dextérité le permet, le but étant de faire mousser le thé dans le verre. Tu reverses le thé du verre dans la théière et tu recommences le rituel plusieurs fois. Le but étant de bien mélanger le sucre, entre autres. Ensuite, tu remplis chacun des verres toujours en faisant mousser le liquide.

Tu remets de l'eau dans la théière (en y laissant le thé bien sûr) et tu remets sur les braises. Quand l'eau bout, tu laisses 2 ou trois minutes puis tu retires du feu, tu rajoutes 5 morceaux de sucre et recommences le rituel du transvasement.

Pour la troisième fois, tu remets de l'eau dans ta théière, toujours sans changer le thé, et tu fais comme précédemment. Juste, tu ne rajoutes que 2 ou 3 morceaux de sucre.

Beaucoup vous diront que c'est le meilleur…

J'ai déjà essayé ici, sur la cuisinière, mais il ne sera jamais aussi bon qu'autour d'un feu de bois, le soir au clair de lune sous les étoiles ;-)