Il y a quelques mois, je dînais avec Suzie. Un de ces petits dîners que l’on se fait de temps en temps, en toute amitié, il va de soi. Cela faisait déjà un moment que nous devisions sur notre état de célibat respectif, des unes et des uns qui nous passaient à portée de cœur sans que l’on réussisse à attraper le pompon et un tour gratuit des fois que cela nous plaise. Sur le pourquoi de la chose, la conjoncture et ses conjectures du cul, les divorces des uns, les tromperies des autres. Bref de notre crise sentimentale qui n’a rien à envier au cours du CAC 40 de ces dernières semaines. La conclusion, comme d’habitude, est que finalement l’idéal serait de trouver mon alter ego et celui de Suzie, puisque nous deux ce n’était pas possible pour la bonne raison que nous étions amis…

J’étais plongé dans la carte des desserts à hésiter entre le chaud-froid de profiterole sur son coulis aux trois chocolats, et la tatin maison et sa crème fraîche quand elle lança : « et si l’on s’inscrivait ? »

Air  incrédule de mec non multitâche qui déjà n’arrive pas à faire un choix entre chocolat et pomme, si en plus il faut que je comprenne la question !

Elle se tourna vers le serveur, raide comme un piquet, le stylo à la main, et la patience de celui qui attend la fin de service comme une délivrance : « et vous, vous êtes inscrit je parie ? »

Ce n’était pas à proprement parler une question, mais plutôt une affirmation. Le jeune homme, balbutiant, « pardon excusez-moi, inscrit à quoi ? »

Mon sauveur, je n’aurais donc pas à poser moi-même cette question qui n’a pas lieu d’être puisque j’étais censé l’avoir compris la première fois !

 

  -Ben sur internet, le site de rencontre là, « Mes tiques, quand l’amour vous colle à la peau ! » vous voyez ?

  -Ah ben oui, bien sûr, vous savez moi, avec mon métier ce n’est pas facile de trouver quelqu’un, les horaires tout cela, et puis on est fatigué quand on rentre le soir, et…

  -Je vais prendre les profiteroles, cela ne doit pas être mal les profiteroles !

  -Heu, bien Monsieur, et vous Madame ?

  -Un café, juste un café, je vous remercie…

 

Et voilà comment je me suis retrouvé embringué dans cette histoire. À peine chez elle, nous nous enregistrons sur « Mes tiques, quand vous avez l’amour dans le sang ». Chacun son pseudo, en nous promettant de tout nous raconter et de faire nos choix ensemble. Il ne s’agissait pas non plus de tomber sur quelqu’un qui ne plairait pas à l’autre. Nous nous donnions quelques semaines pour affiner nos recherches et tenter de ne prendre que des contacts sérieux.

 

Force est de constater qu’elle eut rapidement plus de succès que moi. Il faut dire que les garçons sont à peu près deux fois plus nombreux que les filles. Un tri s’imposait d’entrée devant la belle représentation de la société humaine qui se dévoilais sur l’écran ! Il y avait les « tubaise ». Au moins, ils étaient francs, n’y allaient pas par quatre chemins et l’on savait à quoi s’en tenir. Plus perfide, le « tubaise roublard », celui qui ne se dévoile pas tout de suite, qui enrobe bien les choses, mais en général pressé et peu patient, ce qui permettait de les démasquer. Il s’agit là de deux catégories typiquement masculines, parce qu’après, nous rencontrions à peu près les mêmes typologies. Les accidentés de l’amour, les psychorigides, les névrosés en tout genre et les autres, moins nombreux, justes solitaires, qui cherchent ici des rencontres simples et sincères, un moyen comme un autre de se faire des amis et plus si affinité. Et justement, puisque nous nous classions de fait dans cette catégorie, il nous fallait ne pas nous tromper dans nos choix…

 

C’est ainsi qu’au bout de quelques semaines, nous nous retrouvions chacun avec trois ou quatre candidats potentiels. Il ne nous restait plus qu’à les rencontrer.

 

Et c’est là que j’ai eu l’idée, certainement la plus bête qui soit, mais qui m’amusait beaucoup :

 

  - Et si nous passions la soirée dans le même restaurant, chacun avec sa rencontre ?

  - Très bonne idée, comme cela nous pourrons comparer ! Et pour faire le choix ?

  -Et bien c’est facile, on leur donne tous rendez-vous à la sortie du métro, et on décide de visu…

 

 

Il fut ainsi fait, et c’est comme cela que ce samedi soir, Suzie et moi somme devant la station en travaux, et… Beaucoup de monde qui attend !

 

-Merde, on va faire comment pour les retrouver ? dis-je…

-Simple, on envoie un texto à chacun, genre « excuse-moi je suis légèrement en retard » et on voit qui regarde son portable !

 

Le résultat des courses, j’ai même fait la photo pour recompter, c’est que si 3 mecs sur trois étaient bien présents pour Suzie, je n’eus le droit qu’à une représentante féminine qui s’était déplacée pour mes beaux yeux. C’est légèrement frustrant…

 

  -Chais pas pourquoi, mais je le sens mal ce coup, on fait quoi ? Demandai-je

  -Ils étaient mieux en photo en tout cas…

  -Et si on allait au resto, juste tous les deux ?

  -Mouais tu as raison l’on pourra encore refaire notre monde sentimental tranquille !

 

Y a pas à dire, cela fait, du bien un peu de lâcheté de temps en temps…

 

photo Bladsurb






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Ceci est ma petite participation au diptyque d’Akinou