Pendant sept jours et sept nuits, il veilla sans relâche, ou si peu. Surtout ne pas bouger, rester à l’affût et dormir le moins possible. C’était là les conditions de sa réussite, l’aboutissement de 5 ans de recherche acharnée. Tour à tour petit rat de bibliothèque écumant tous les lieux de lecture du coin, journaliste ou policier, interrogeant sans cesse tous les supposés témoins, conteurs, petit vieux et autre savant du coin. Combien de fois est-il passé pour un doux illuminé, un gentil fou inoffensif, le simplet du village à la quête délirante et gentillette ! Peu lui importait, il avait la foi de ceux qui savent que leur chemin est le bon ; quels que soient les obstacles, il suffit de les passer. Simple !

Alors qu’il repensait à toute cette route parcourue, il sentit de nouveau ses yeux se fermer. Plus le temps passait, plus son corps endolorit par l’immobilité, réclamait le repos du brave ! Pourtant, ce n’était plus le moment de manquer de vigilance, c’était le jour J avec un grand H, après il serait trop tard, il le sentait ! Il allait voir ce que nul autre n’avait jamais vu, ou si peu. Les récits étaient rares et remontaient à la nuit des temps, colportés au fil des siècles par moult troubadours et autres conteurs. Transformé en légendes et histoires à endormir les enfants, c’est par sa grand-mère qu’il l’entendit la première fois ; il avait 8 ans. Depuis, il n’eut de cesse de découvrir la vérité ! Bientôt il aurait la photo, la preuve incontestable que tout cela est vérité, et qu’il n’est pas fou.

D’après ses recherches, le phénomène devait se produire dans ce laps de temps de sept jours, dans la semaine du solstice d’été de la première année bissextile du siècle, et là c’était le dernier jour !
Il entendit du bruit, de sa cachette il avait la vision sur la lisière de la clairière, juste à la sortie de la grotte, là où devraient se dérouler leurs agapes secrètes. Une dernière fois, il vérifia son appareil photo, quand il vit la première tête, apparaître. C’était un éclaireur, il observa les lieux, traversa, revint sur ses pas. S’approcha de l’affût en humant l’air comme un animal. Repartis et disparu dans les futaies d’où il était venu.

Pendant une minute, il avait cessé de respirer, surtout ne pas se faire repérer, sinon tous seraient foutus. Il reprit son souffle, et calma sa respiration. Les buissons bougeaient de nouveau, et l’éclaireur de tout à l’heure refit son apparition, suivie d’une centaine de ses congénères en colonne par deux. Il visa, vérifia la mise au point, et quand il sentit que c’était le moment, appuya sur le déclencheur. Clac, fit l’obturateur ; en un dixième de seconde, la colonne avait disparu dans les bois. Une photo, une seule, fébrilement il regarda le petit écran et appuya sur le bouton lecture. C’était gagné, il avait sa photo ! Demain il serait célèbre. Il était le premier à avoir photographié la migration centennale des nains de jardin…



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Voila ma participation, un peu à la bourre, mais c'est pas grave, au petit jeu de Courmarine, Consigne 71, soit l'incipit suivant:

"Pendant sept jours et sept nuits, elle (ou il) veilla"


et une photo de Françoise empruntée au site collectif "en vert et contre tout"