dimanche, 13 septembre 2009

Un monde imaginaire...

C’est la voix qui m’a fait découvrir ce monde, qui m’a choisi. Si vous pouviez voir comme il est beau ! Il me suffit de fermer les yeux, comme cela, et de me laisser aller, à écouter ces paroles qui me disent de venir, de ne plus avoir peur. Petit à petit, la noirceur de mon cœur se déchire et fait apparaître tout d’abord une lame de lumière, qui s’élargit au fur et à mesure pour illuminer tout l’espace d’une forte intensité tirant vers le bleu. Et puis humez cette senteur de bien-être, tout est calme, rien ne peut plus me perturber quand je suis là-bas. J’en oublie toutes les bassesses de votre monde ! C’est moi l’élu ! Seule la voix me guide, et la voix ne se trompe jamais ! C’est elle qui me dit si je dois purifier et énergiser cet endroit pour qu’il puisse croître et multiplier jusqu’à recouvrir la terre, mais ce n’est pas tout de suite !
Heureusement que les Platon sont là pour nous aider, ils sont d’une lointaine galaxie et chevauchent des baleines d’argent et de métal. La voix me les a présentés. Ce sont des seigneurs du cosmos qui ont pour mission de sauver les hommes de toutes leurs turpitudes et quand le moment sera venu, je serais le bras armé de cette héroïque mission !
Pour l’instant, les Platon ne font que préparer le terrain et s’occuper des nouveaux humains qui peupleront bientôt votre terre. C’est chez eux que sont envoyées les jeunes filles après la séance de purification. Elles deviendront grandes prêtresses de la procréation régénératrice... Non vraiment c’est un beau monde, vous devriez m’accompagner.

Écoutant toute la diatribe, le petit homme n’avait pas bougé, fixant son interlocuteur, les yeux plissés derrière ses fines lunettes.

— Bien, bien, je vois, et c’est pour quand ce sauvetage interplanétaire ?

— Je ne sais pas, la voix ne m’a encore rien dit, c’est pour bientôt, il faudrait juste que je trouve quelques jeunes filles, et ici, il n’y en a pas beaucoup, si pour le bien de l’humanité vous pouviez m’aider, la voix vous en serait reconnaissante...

— Bien, bien...

Le petit homme appuya sur un bouton rouge. La porte s’ouvrit et deux infirmiers apparurent.

— Vous pouvez ramener monsieur dans sa chambre...

M. Gérad sortit du cabinet solidement encadré par les deux malabars en blanc...

Le petit homme prit une feuille de papier et commença à écrire :

«Avons reçu ce jour pour expertise M. Gérad, il est indéniable que ce patient souffre d’une lourde pathologie mentale schizophrénique...»

Le tribunal déclara M. Gérad irresponsable de ses actes et ne le jugea pas...

L’affaire fit la une des journaux durant une semaine, on vit un avocat heureux, un autre scandalisé, des parties civiles éplorées et des experts trop contents de causer dans le poste. Un ministre monta même aux créneaux et demande une loi qu’un député s’empressa de proposer. Il eut deux ou trois débats puis on passa à autre chose...

Pendant ce temps, dans sa chambre, loin de ce tumulte qui lui était étranger, M. Gerad écoutait toujours la voix, et trouvait que la jeune fille qui venait régulièrement lui donner des bonbons aurait été une bonne déesse procréatrice...

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Petit texte pour les impromptus de la semaine sur "un monde imaginaire"