samedi, 21 avril 2007

Comme si c'était hier…

Je m'en souviens bien de ce jour. Pareil à aujourd'hui, un grand soleil réchauffait l'atmosphère, le ciel était bleu, les oiseaux s'amusaient, une belle journée en perspective. Je m'étais levé tôt pour un dimanche, pas dans mes habitudes, mais je devais aller passer la journée chez des amis du côté de Rouen. C'était il y'a 5 ans, jour pour jour, un 21 avril 2002. De bonne humeur, j'avais été remplir mon devoir électoral, Vote utile, comme on dit aujourd'hui, comme d'habitude. J'ai toujours considéré que les présidentiels n'était pas le moment idéal pour les mouvements d'humeur. Il s'agit d'élire quelqu'un pour gouverner, pas de jouer à qui montera sur le podium. Ce n'est pas une demi-finale sportive. Pour la contestation, il y' a les élections locales, et notamment les législatives, c'est là que l'on peut obliger ceux qui représentent le pouvoir à changer leur manière de faire. C'est là aussi que l'on peut tester la pertinence et l'efficacité de ceux que l'on appelle les petits candidats à faire bouger les choses. C'est donc sans hésiter, que j'avais glissé dans l'urne le bulletin Jospin. Au moins de ce côté-là, je n'aurais pas de remords à avoir par la suite. J'avais fait ce que je considérais comme mon devoir.

La journée avait été agréable, au soleil, à la campagne. Certains que nous étions des résultats de ce premier tour, nous n'avions même pas parlé politique. Nous avions simplement profité du moment. Et de toute façon, l'histoire était en route, qu'aurions-nous pu faire ? C'est vers 19 heures que nous avons allumé la télé. Sur la deux, il me semble, juste pour prendre l'ambiance, le taux de participation. Le plateau était en place, les journalistes à leurs postes, quelques invités déjà autour de la table. Si mes souvenirs sont bons, c'est à ce moment précis que j'ai commencé à sentir cette petite boule d'angoisse dans mon ventre. Quelque chose ne collait pas. Les journalistes n'avaient pas la tête des bons jours. Il se passait quelque chose, mais quoi ? Et puis, il l'a dit : "Nous ne pouvons rien vous dire pour l'instant, mais il semble qu'une grosse surprise se prépare." Et à voir son visage, à entendre sa voix, ce n'était pas une bonne !

Il a fallu encore attendre 45 minutes, et ce visage est apparu à l'écran ! Douche froide, stupeur, interrogation. Un petit peu d'espoir encore, les résultats sont serrés et les grosses villes pas encore dépouillées. L'on se rassure comme l'on peut ! Et puis, il faut bien se rendre à l'évidence, Le Pen est au deuxième tour. On devine déjà le résultat de la suite. Pas besoins d'être un devin ! Quand elle me dit : "merde, si j'avais su, je n'aurais pas voté Tobira… " je n'ai rien répondu, pas besoins d'en rajouter, je sais qu'à cette même heure des milliers d'électeurs se font la même réflexion. Le repas devait être bon, mais un goût d'amertume au fond de la gorge a tout gâché. J'ai repris ma voiture et suis rentré chez moi complètement sonné. Sur l'A13, je regardais ce flot de voitures qui rentrait de Deauville et de ses environs. Toutes immatriculées en régions parisiennes. Combien d'entre eux avaient pris la peine d'aller voter avant d'aller profiter du soleil ? À en croire le taux de participation, certainement pas beaucoup. Et pourtant ! Ce sont les même qui râlent perpétuellement contre un pouvoir en place, les impôts, et je ne sais pas quoi. Mais ce sont eux aussi qui préfèrent passer deux jours au soleil plutôt que de faire bouger les choses. Que d'insultes haineuses à leur encontre ont fusé dans le secret de ma voiture…

C'était il y'a 5 ans ! Ce n'est pas si loin, pensez-y demain. Aujourd'hui l'on ne pourra plus dire, je ne savais pas, je ne pensais pas…