mardi, 5 décembre 2006

Le sourire (part.2 et fin)...

Tiens, il aurait dû descendre là, comme tous les jours depuis 18 ans. Il n’a pas bougé. Pas envie. Il a perdu son sourire et ne le retrouve pas. Sans lui, plus de protection, de sécurité, de faux-semblant. Sans lui, il est nu, faillible. Sans lui, il a peur d’affronter les autres. Ils pourraient deviner !

Il reste là sans bouger.

Quelques stations après, entraîné par une vague plus forte que les autres, il se retrouve sur un quai. Se laisse emporter par le troupeau à travers ce labyrinthe souterrain, se retrouve dans une autre rame, recommence le voyage, redescend, repart sans but. Il se laisse faire, prit par cette masse humaine. Il ne sait plus où il est, peu importe, il recherche un sourire, juste un sourire…

10 heures, l’heure du café. Il se décide enfin à reprendre le contrôle de lui-même, de son destin. Il émerge au milieu de la place de l’Hôtel de Ville. Il pleut toujours ! Un bar à l’angle, face à la Seine. Un expresso. Dans sa poche, son portable vibre. Numéro caché. Ce doit être son patron. Où est-tu ? le sort de la boîte est en périls à cause de toi ! Qui va aligner les chiffres ? Retenus sur salaire, bonne excuse et tout le tralala… Il ne décroche pas… Pas envie… Il paye son café à un garçon pressé qui ne sourit pas. Ce n’est pas compris dans le service. Sur les quais de Seine, un couple d’amoureux. Pour combien de temps ? Il s’en fout ! Sur le pont, il la regarde couler inexorablement sous ses pieds. Il la fixe. Ses pensées s’en vont au gré des flots. Le téléphone vibre à nouveau. C’est elle :
- Ben t’es où, tu viens pas bosser ?
- Non…
La voix devient inquiète :
- T’as un problème ?
- Oui…
- Quesqui t’arrive ?
- Je t’aime !
- …
Silence déconcerté :
- Mais, on en a déjà parlé…
- Ce n’est pas grave, tu penseras à nourrir mon chat, les clefs sont chez le concierge. Salut…
Il aurait dû le faire depuis longtemps, il y a déjà songé, mais maintenant il a décidé. Il regarde l’eau une dernière fois. Plouf. Il n’a pas le temps de voir le téléphone couler, trop rapide, il a juste eu le courage de le faire.
Il se retourne et hèle un des innombrables taxis qui attendent le touriste en goguette.
- À Roissy s’il vous plaît.
- Quel terminal ?
- Peu importe, le premier avion pour le soleil…
Il voit les yeux de l’homme qui le regarde dans le rétroviseur. Il se retourne. C’est un grand black. Il sourit d’abord puis éclate d’un grand rire.
- OK Boss, on y va…

Un sourire, c’est son premier sourire de la journée et de sa nouvelle vie. Et cela le fait sourire…


Ps: Comme hier, pas d'illustration et pour les mêmes raisons... mais si un dessineux passe dans le coin...